Une version modifiée de la Convention collective nationale de la métallurgie (ci-après la « CCNM ») est entrée en vigueur le 1er janvier 2024.
Elle apporte des nouveautés en matière d’inventions de salariés, et plus spécifiquement d’inventions de mission. Ces nouveautés concernent donc tout employé des entreprises soumises à la CCNM qui est l’auteur d’une invention réalisée en exécution (i) d’un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives ou (ii) d’études et de recherches qui lui ont été explicitement confiées.
La CCNM s’applique obligatoirement, en France métropolitaine, à toutes les entreprises dont l’activité est visée par l’Accord national du 16 janvier 1979 sur le champ d’application des accords nationaux de la métallurgie. Il s’agit des entreprises dont l’activité principale les rattache à l’un des codes « APE » énumérés dans ledit Accord, même si elles ne sont pas adhérentes à l’une des organisations signataires de la CCNM (la CCNM ayant été étendue par Arrêté du 14 décembre 2022).
A la lumière de son champ d’application temporel, la CCNM devrait s’appliquer aux inventions de mission brevetables créées à partir du 1er janvier 2024.
Des actions peuvent être requises pour s’y conformer.
Principaux changements de la CCNM en matière d’inventions de salariés
Outre une reprise des dispositions du Code de la propriété intellectuelle (ci-après le « CPI ») en la matière, la CCNM prévoit des règles nouvelles :
- Elle fixe un montant minimum de rémunération supplémentaire de 300 euros, que l’employeur doit verser à tout salarié auteur d’une invention de mission
Tant par simplicité que par prudence, il pourrait être retenu comme date de départ du délai de prescription la date à laquelle le salarié a rempli sa déclaration d’invention, car la date effective de réalisation de l’invention est généralement difficile à déterminer.
Ce délai de prescription est bref comparé à celui de droit commun de 5 ans, mais plus long que le délai de prescription de 2 ans de l’article L1471-1 du même Code (créé par une loi du 14 juin 2013), qui devrait remplacer le délai de droit commun en matière de paiement du juste prix d’une invention hors-mission attribuable, sous réserve de l’interprétation qui en sera faite par les tribunaux.
- Elle prévoit en outre l’obligation, pour l’employeur, d’examiner « les modalités d’un éventuel complément de rémunération supplémentaire au profit du salarié auteur d’une invention de mission, notamment lorsque l’invention présente un intérêt exceptionnel pour l’entreprise«
Conséquences pour les entreprises
Ce nouveau mécanisme de rémunération supplémentaire met fin à une version obsolète et en partie illégale de la CCNM.
Rappelons en effet que depuis une décision de la Cour de cassation du 22 février 2005, les dispositions de la Convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972, prévoyant une rémunération supplémentaire pour les seules inventions « présentant pour l’entreprise un intérêt exceptionnel dont l’importance serait sans commune mesure avec le salaire de l’inventeur », étaient inapplicables. La Cour avait en effet considéré qu’elles étaient réputées non écrites, étant trop restrictives par rapport à l’article L611-7 du CPI fixant une obligation d’ordre public pour l’employeur de verser une rémunération supplémentaire au salarié inventeur.
Désormais, l’intérêt exceptionnel d’une invention ne constitue donc plus qu’un facteur parmi d’autres de détermination d’un éventuel complément de rémunération supplémentaire (ci-après le « CRS »), venant s’ajouter à une rémunération supplémentaire « plancher » de 300 €.
Les dispositions de la CCNM pourraient être interprétées par les tribunaux comme créant une obligation pour les employeurs de verser un CRS après examen de la valeur de l’invention par un comité brevet, selon des critères à définir, dont celui de « l’intérêt exceptionnel » pour l’entreprise. Il serait donc prudent d’intégrer les modalités de cet examen et de déterminer ces critères dans les politiques propriété intellectuelle des entreprises.
La jurisprudence en la matière a considéré que peuvent présenter un « intérêt exceptionnel » les inventions particulièrement innovantes ou de rupture conférant une avancée technologique, celles générant ou laissant espérer des revenus (chiffre d’affaires, marge) élevés pour l’entreprise, ou encore celles ayant bénéficié d’investissements de développement importants. Il ne s’agit là que d’exemples, l’intérêt exceptionnel étant fonction du contexte de l’invention et de la nature des activités de l’entreprise.
A noter : la CCNM ne s’applique pas aux stagiaires. Les inventions réalisées par des stagiaires dans les entreprises relevant de la CCNM sont donc soumises au régime général des inventions de stagiaires, créé par l’ordonnance du 15 décembre 2021 et ses décrets d’application du 11 août 2023. L’ordonnance du 15 décembre 2021 a en effet instauré un système inspiré de celui des salariés pour les stagiaires inventeurs ou auteurs de logiciels (voir notre Newsletter détaillée sur ce régime).
Par simplicité et prudence à nouveau, il est recommandé d’aligner le régime des inventions de stagiaires avec celui des inventions de salariés dans la politique propriété intellectuelle de l’entreprise, en prenant soin de tenir compte des différences de rédaction entre les textes régissant ces deux régimes pour limiter les risques juridiques (par exemple, les notions de « contrepartie financière » et « d’organisme d’accueil » sont propres au régime des inventions de stagiaires).
Une revue des modèles de contrats de travail et avenants, ainsi qu’une révision des politiques internes et accords d’entreprises en matière d’inventions de salariés et stagiaires, peuvent donc être nécessaires pour s’assurer de leur conformité aux nouvelles dispositions de la CCNM et limiter le risque de réclamation à l’avenir.
N’hésitez pas à nous contacter pour de plus amples informations.
MICHEL ABELLO
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